#4 : ORA - Ecouter nos mort·es

 

Ne serait-il pas temps de repenser non seulement la porosité entre la vie et la mort mais aussi la place des mort·es dans le monde des vivants ? 

ORA propose de s’immerger dans le monde de l’invisible pour réinventer notre perception de la mort et du deuil tout en laissant sa place à la tristesse et au souvenir. Un instant suspendu à la fois dans le temps et l’espace, où les univers de la vie et de la mort se rejoignent grâce au pouvoir de l’imagination et de l’expérience.

Qu’est-ce qui sépare la vie de la mort ? Cette question existentielle est le pilier universel commun de toute expérience humaine. Qu’on l’envisage comme un phénomène de transmigration ou de réincarnation de l’âme, ou qu’on lui préfère le portail mystique matérialisé par les eaux troubles mais franchissables du fleuve Styx, nombreux sont les mythes et philosophies nous rappelant que les êtres qui sont « passés de l’autre côté » sont peut-être bien plus proches de nous que ce que l’on veut bien croire.

Mais aujourd’hui en Occident, tout pousse à nous détacher de telles conceptions du monde. Alors, à l’image de l’eau qui s’évapore dans l’air avant de redevenir liquide, ne serait-il pas temps de repenser non seulement la porosité entre la vie et la mort mais aussi la place des morts dans le monde des vivants ?

ORA use de compositions musicales électroniques contemplatives émaillées de témoignages narrant les différentes manières qu’ont les défunt.es de continuer à peupler nos mondes émotionnels. Au centre d’une pièce immergée dans une ambiance lumineuse apaisante, trône une cabine téléphonique irradiante, en connexion directe avec l'au-delà. Le dispositif évoque le « Téléphone du Vent » (Kaze no Denwa) installé à Ōtsuchi après le séisme meurtrier qui endeuilla le Japon en 2011. Un jeu de lumières subtil et mouvant détourne le public de l'environnement extérieur, le plongeant dans une atmosphère propice à une paisible introspection, comme on s’abandonnerait au flot d’une rivière. Isolé.e.s par les parois de la cabine, lieu discret et privé, les participant.e.s sont invité.e.s à explorer au plus profond de leurs émotions – libres de parler comme de demeurer silencieux.ses – l’ouïe envoûtée par les voix des récits et les paysages sonores en binaural. Un instant suspendu à la fois dans le temps et l’espace, où les univers de la vie et de la mort se rejoignent grâce au pouvoir de l’imagination et de l’expérience. ORA propose de s’immerger dans le monde de l’invisible pour réinventer notre perception de la mort et du deuil tout en laissant sa place à la tristesse et au souvenir.

Extrait sonore

Une boîte aux lettres pour y déposer un message à nos disparu·es.

En ligne directe avec l’au-delà, cette cabine téléphonique fait écho au téléphone du vent, installé à Ōtsuchi, au Japon. Un jour, alors qu'il pleurait son cousin, Itaru Sasaki a installé une cabine téléphonique dans son jardin. Il y a senti un lien continu avec son cousin, il y a trouvé du réconfort et un espace de guérison. Itaru donna un nom à sa cabine : Kaze No Denwa (風の電話), traduit par "Le téléphone du vent". L'année suivante, un tremblement de terre provoqua un tsunami qui anéantit les côtes japonaises, détruisit des villes entières et coûta la vie à des milliers de personnes. Peu à peu, les personnes endeuillées ont commencé à se rendre dans sa cabine téléphonique pour appeler leurs amis et parents disparus dans le grand tsunami, espérant qu'ils trouveraient un lien qui les aiderait à surmonter leur chagrin, comme cela avait été le cas pour Itaru.

Cette cabine téléphonique est un sanctuaire créé pour relier les personnes à leurs proches de l’autre côté. Les visiteur.ices sont invité.es à “appeler” leurs proches, pour leur dire les choses qu’ils n’ont pas eu l’occasion de dire de leur vivant, leur écrire un mot ou tout simplement pour leur dire bonjour. Le vent portera leurs paroles à ceux qu'ils aiment.

Création & direction artistique: Laura Krsmanovic
Musique et sound design : Le Motel
Scénographie : Erased Studio
Programmation lumière : Ofer Smilansky
Mix et renfort montage : Christophe Loerke
Photo : Gretar Gunnlaugsson
Copy et traduction : Blurbs

 

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